David Desclos : Après 10 ans de prison il monte sur scène

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David Desclos, 43 ans, ancien cambrioleur passé par la prison de Fresnes et Draguignan raconte l’enfer du milieu carcéral dans un one man show à Paris. Rencontre avec un Écroué de rire qui interpelle la jeunesse et veut un meilleur système judiciaire en France.

Votre spectacle relate vos dix années en prison et la façon dont vous détruisiez le coffre fort des banques avec votre bande en Normandie. Comment êtes-vous tombé dans le milieu du banditisme ?

J’étais cambrioleur mais pas braqueur. Je n’ai jamais utilisé d’armes. J’ai grandi dans un quartier difficile où je me suis initié à l’escalade et au chapardage. Je dis toujours que ce que l’humain fait, l’humain peut le défaire. Alors, avec une bande de copains, on relevait des défis. On s’attaquait aux coffres forts des banques. Vers 8 ans j’ai commencé à voler des habits pour être à la mode et c’est allé en crescendo. Il y a eu les caisses des magasins vers 16 ans, puis les tabacs et les intrusions dans les banques. Les gardes-à-vues ont commencé. Passés mes 18 ans, je n’étais plus récupérable. Ni mon juge pour mineurs, ni ma mère ne pouvaient plus rien faire pour moi.

 

 

Vous passez 10 ans en prison. Quelles sont les expériences qui vous ont le plus marquées ?

Draguignan et Fresnes. Dans mon spectacle, j’évoque beaucoup les « fous ». C’était dur de jouer la comédie pendant 4 mois. Surtout d’éviter de gober des médicaments inconnus avec des dosages ravageurs. Chaque fois que j’entendais l’infirmière dans le couloir, je me rabattais sous les couvertures en serrant les dents. En vérité, je me battais pour voir ma femme au parloir. Je ne voulais pas de transfert en maison d’arrêt. Le show est drôle mais j’essaie surtout de dévoiler les coulisses d’une mauvaise gestion de la psychiatrie. Sur le coup c’était dur, aujourd’hui je le mime et le tourne en dérision.

Finalement vous n’échapperez pas à la maison d’arrêt…

Le psychiatre a fini par comprendre que j’étais éveillé, oui. En maison d’arrêt, les conditions sont déplorables. On nous trompe sur le temps. J’étais parti pour un an, j’en ai fait trois. Mais on n’a pas le droit de se plaindre. Les premières victimes sont les familles. On ne peut pas empêcher les proches à venir au parloir ! Nous, bandits, on assume mais la famille, non ! Quand vous voyez votre bébé de six mois derrière une vitre… Alors on s’organise, écrit deux fois plus de lettres.

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Ce one man show est aussi une critique du système pénitentiaire, n’est-ce pas ?

C’est aberrant de constater que tous les détenus sont dans le même panier. Même les violeurs sont dans de meilleures conditions que nous. Et leurs délais de transferts sont plus courts ! Dans cette ambiance, des amis sont devenus des cas irrécupérables. Ils y ont laissé le cerveau. Je suis révolté, oui. J’ai un besoin de transmettre des choses positives pour faire avancer les choses. Pourquoi le ministère de la Justice n’est pas constitué de personnes qui connaissent vraiment les ficelles du milieu ? Et qui connaissent bien les profils de délinquants pour mieux adapter les peines ?

Les premiers brouillons c’était quand ?

C’était en 1999 au cours d’une évasion car on me posait beaucoup de questions et j’avais le sens du détail et mon histoire faisait rire. De retour en prison je racontais aussi ma cavale. Quand j’ai compris qu’il fallait en parler, j’ai pris un calepin et je me suis mis à tout observer. Je voulais raconter plus que les documentaires. Faire passer un message plus direct. J’ai plein d’anecdotes…Les compagnons de cellule qui ont chacun leurs tics et obsessions.

Comment protégiez-vous vos écrits des fouilles ?

 Un jour, un surveillant a trouvé mes feuilles. Pas de chance, il avait un physique atypique et c’est lui que j’avais décrit avec exactitude dans mes feuilles. Il a vite compris que je l’avais dépeint et l’a très mal pris. J’ai fini au mitard*. Et puis quand vous êtes sous bracelet électronique, les déplacements sont limités.

Et votre arrivée sur la scène parisienne ?

Sur Paris j’ai rassemblé mes notes. Je me suis confronté à la réalité. Mon dossier passait mal auprès des institutions, il fallait affronter le regard des autres… Ensuite j’ai eu la chance de me produire au Showcase, aux Feux de la Rampe, au Jamel Comedy Club ainsi qu’au Point Virgule (2005-2006). Pourtant, je n’étais pas encore tout à fait libre.

 

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Avec Stomy Bugsy au café pour discuter  « mise en scène »

Vous étiez surveillé ? Placé en conditionnelle ?

Pas du tout. Je gagnais ma vie parce que j’étais en cavale. J’ai commencé les scènes ouvertes sous le pseudonyme de « Pin-Lu ». J’ai même faussé mon diplôme du SAMU grâce au certificat de ma cousine. J’ai fait des interventions alors que je ne savais rien du métier et reçu des fiches de paie pendant 8 mois. Le meilleur dans tout ça, c’est que un bon élément. Et je pouvais doubler les flics en ambulance ! Au moment de la réinsertion, la personne en charge de mon dossier a halluciné. Après des vérifications, elle m’a dit « Qu’est-ce que vous faites là ? Sortez ! Continuez ! » Et je suis sorti en 2012.

Quel est votre message aux jeunes délinquants ?

Penser à leur famille avant de commettre quelque chose de regrettable. Et arrêter de gâcher son intelligence. Mieux vaut faire un euro honnête, que deux euros malhonnêtes, me disait un bagnard. Aujourd’hui, je suis en forme, j’ai des projets d’écriture pour un deuxième spectacle, pour un livre et pour une adaptation télévisée. Pourtant, je ne suis pas sorti indemne de l’expérience. Balles tirées sur une voiture qui peut exploser, blocs de plâtre sous les cages d’escalier, perte d’un œil à cause du polyuréthane, j’ai joué avec le feu et avec ma vie. Y’a que le train qui m’est pas passé dessus. Faites attention les jeunes !

David Desclos, Ecroué de rire, au théâtre du Gymnase à Paris. Mise en scène de Stomy Bugsy

Valentine Puaux

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